08.04.2017 11:22 â Otto Hostettler
Des milliers de francs arrivent dans les poches des parlementaires grĂąces aux lobbies. Lâexemple du âGroupe de rĂ©flexion santĂ©â de lâassureur Groupe Mutuel.
Quand les politiciens ne se rendent pas compte quâils sont embrigadĂ©s par les intĂ©rĂȘts des entreprises, voilĂ le meilleur des lobbyismes. Un trĂšs joli exemple nous est montrĂ© par lâassureur Groupe Mutuel. Sous la dĂ©nomination âGroupe de rĂ©flexion santĂ©â se rĂ©unissent cinq Conseillers Nationaux et quatre Conseillers aux Etats: Raymond Clottu (UDC/NE), Sebastian Frehner (UDC/BS), Martin Landolt (PBD/GL), Bruno Pezzatti (PLR/ZG), Roland Eberle (UDC/TG), Josef Dittli (PLR/UR), Erich Ettlin (PDC/OW) - avec la particularitĂ©, cette annĂ©e, dâavoir comme deux derniers membres, les prĂ©sidents du Conseil National, JĂŒrg Stahl (UDC/ZH), et du Conseil des Etats, Ivo Bischofberger (PDC/AI). A lâexception de Martin Landolt, ils siĂšgent tous dans les commissions parlementaires de la santĂ©.
A propos, savez-vous ce quâest un âGroupe de rĂ©flexionâ? Les parlementaires dĂ©clarent ce groupe dans le registre officiel des liens dâintĂ©rĂȘts comme conseil. Mais, un conseil câest quoi? Le âGroupe de rĂ©flexionâ est une âsaine plateforme de discussions et dâĂ©changesâ explique le Conseiller aux Etats Josef Dittli.
Que font-ils réellement?
Ce comitĂ© nâa pas de forme juridique. Toujours est-il que le Groupe Mutuel confirme que ses bureaux le dirigent. Le rĂŽle exact de ce groupe de discussion nâest pas connu. Ce qui est discutĂ© lors des rĂ©unions, ne sort pas des bureaux. il nâexiste pas de rapport des comptes ni de rapport dâactivitĂ©s. Il a mĂȘme aucune existence dans le rapport dâactivitĂ© du Groupe Mutuel.
FormulĂ© autrement: il ne sâagit ni plus ni moins que dâune plateforme de lobbyisme oĂč les parlementaires sont invitĂ©s de la main Ă la main. Ce qui veut dire que ce comitĂ© siĂšge 4 fois lâan. Ce qui y est fait? Josef Dittli en pose les jalons: âAucune dĂ©cision nây est prise, nous ne donnons pas non plus une forme quelconque de recommandation, et nous ne devons pas reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts du Groupe Mutuelâ.
Cette activitĂ© nâest pas non plus sans engagement: les parlementaires reçoivent des fonds pour leurs discussions. Combien? Le seul membre du âGroupe de rĂ©flexion santĂ©â Ă jouer cartes sur table est le PrĂ©sident du Conseil des Etats, Ivo Bischofberger: en 2016, le Groupe Mutuel lui a versĂ© 4673.75 francs.
âPour des politiciens, cela me semble Ă©vident de rendre publiques les sommes perçues lors de ce genre dâactivitĂ©â estime Eric Martin, prĂ©sident de Transparency International Suisse. âSans transparence, il nây a pas de confianceâ.
Peut-ĂȘtre mĂȘme que tous les membres du âGroupe de rĂ©flexionâ ne perçoivent pas les mĂȘmes sommes. Il y a quelques annĂ©es, la ConseillĂšre Nationale Ruth Humbel (PDC/AG) reconnaissait avoir reçu 10â000 francs pour 4 sĂ©ances. Elle ne fait depuis plus parti de ce cercle restreint.
Lâancien chef de groupe PDC, Urs Schwaller, membre en son temps du Groupe, estimait Ă ce sujet quâun conseil percevait selon le nombre de sĂ©ances entre 10â000 et 20â000 francs. Lâassureur Mutuel prĂ©cise seulement: âNous ne transmettons pas de donnĂ©es sur le montant des indemnitĂ©s versĂ©es aux membres du âGroupe de rĂ©flexion santĂ©ââ.
Apparemment ces rĂ©unions âsans engagementâ de lâassureur-maladie servent Ă quelque chose. Sur la base de chiffres ayant fuitĂ©, le Groupe Mutuel dĂ©bourserait selon les estimations entre 50â000 et 100â000 francs pour ce lobbyisme.
Aucun conflit dâintĂ©rĂȘts?
Urs Schwaller disait en 2013 quâil Ă©tait membre du âGroupe de rĂ©flexionâ de façon totalement indĂ©pendante et âquâil nâĂ©tait pas obligĂ© de relayer la position du Groupe Mutuelâ. Il a cependant agi avec le plus grand contentement de lâassureur-maladie puisque le Fribourgeois fait partie du Conseil d'administration, respectivement du ComitĂ© directeur du groupe valaisan.
A cĂŽtĂ© de cela le Groupe Mutuel est bien reprĂ©sentĂ© dans les rangs du parlement. Le Conseiller national JĂŒrg Stahl ne siĂšge pas seulement dans le groupe de rĂ©flexion mais fait aussi partie de la direction de lâassureur. LâUDC Roland Eberle fait partie de plusieurs conseils d'administration de sociĂ©tĂ©s du Groupe Mutuel. GrĂące Ă ces diffĂ©rentes fonctions, il toucherait selon les rapports dâactivitĂ©s prĂšs de 80â000 francs.
A la question de savoir si un parlementaire ne ferait pas face Ă un conflit dâintĂ©rĂȘts, la rĂ©ponse de lâancien Conseiller dâEtat thurgovien en charge de la santĂ© est claire : âSeul celui qui est concernĂ© par une chose et qui en comprend les tenants et aboutissants, peut effectuer un travail de lĂ©gislateurâ. Le plus important demeure la transparence et des rĂšgles du jeu propres. Ce qui est selon son expĂ©rience le cas sous la Coupole fĂ©dĂ©rale, enfin âdans la plupart des casâ.
Cet article est paru la premiĂšre fois dans le Beobachter 7/17