22.03.2021 07:20 â Thomas Angeli
AprĂšs trois semaines de session de printemps, certains groupes de pression ont poursuivi sans vergogne leurs intĂ©rĂȘts individuels, comme rarement auparavant.
En fin de compte, le bon sens politique a prĂ©dominĂ© et les deux chambres se sont abstenues de lever les restrictions imposĂ©es en raison de la pandĂ©mie par voie lĂ©gale. Or, c'est prĂ©cisĂ©ment ce que la majoritĂ© conservatrice de la Commission de lâĂ©conomie (CER) du Conseil national avait exigĂ© avant le dĂ©but de la session: lâinscription de la rĂ©ouverture des restaurants dĂšs le 22 mars dans la loi Covid-19. En consĂ©quence, les lieux de culture, de sport et de loisirs auraient Ă©galement dĂ» ĂȘtre rouverts - indĂ©pendamment de la situation Ă©pidĂ©miologique.
Les mĂ©dias suisses se sont frottĂ©s les yeux d'Ă©tonnement devant cette frivolitĂ© politique. Mais un coup d'Ćil Ă la base de donnĂ©es de Lobbywatch aurait suffi Ă Ă©clairer cette exigence des diffĂ©rents groupes d'intĂ©rĂȘt en jeu: par exemple, lâUSAM est reprĂ©sentĂ©e dans la Commission de lâĂ©conomie Ă travers son prĂ©sident, une vice-prĂ©sidente et un membre de la Chambre suisse des arts et mĂ©tiers, Economiesuisse par un membre du comitĂ© et GastroSuisse par un membre du comitĂ© consultatif politique. S'y ajoutent, entre autres, la Chambre du commerce de Zurich, la CI PrioritĂ© LibertĂ© et un gastro-entrepreneur - autant d'organisations et d'individus ayant des intĂ©rĂȘts personnels Ă une rĂ©ouverture rapide.
Dans d'autres domaines Ă©galement, les chambres ont allĂšgrement menĂ© des politiques qui poursuivaient moins l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral que l'intĂ©rĂȘt individuel. Par exemple, elles ont adoptĂ© - Ă nouveau, Ă la demande d'une majoritĂ© de la commission de prĂ©-consultation - une rĂ©vision de la loi sur le blanchiment dâargent vidĂ©e de sa substance. Lâune des plus grosses failles: les avocats et les notaires peuvent continuer Ă crĂ©er et Ă gĂ©rer des sociĂ©tĂ©s de domicile et des trusts sans avoir Ă signaler aux autoritĂ©s tout soupçon de blanchiment d'argent. Faut-il dĂšs lors s'Ă©tonner que 39 membres au total du Conseil national et du Conseil des Ătats appartiennent professionnellement aux secteurs juridique, fiduciaire et bancaire ?
Donne-moi et je te donnerai en retour: cette devise rĂ©sume le dĂ©bat sur la politique agricole pour lâaprĂšs 2022 (AP22+). Une nouvelle orientation plus Ă©cologique de l'agriculture a Ă©tĂ© mise en Ă©chec par l'alliance des reprĂ©sentants des agriculteurstrices et le PLR. Les parlementaires PLR ont ainsi tenu la promesse qu'ils avaient faite aux agriculteurstrices dans le cadre de la lutte contre l'initiative sur la responsabilitĂ© des entreprises, comme le rapportent les mĂ©dias de Tamedia: si les agriculteurs se mobilisaient contre lâinitiative pour des multinationales responsables, comme cela semblait ĂȘtre le cas Ă l'Ă©poque, le PLR se joindrait Ă eux pour s'opposer Ă l'impopulaire verdissement de l'agriculture.
Et comme si cela ne nâĂ©tait pas suffisant, le Conseil national a Ă©galement discutĂ© de l'initiative populaire "Enfants et jeunes sans publicitĂ© pour le tabac" au cours de la derniĂšre semaine de la session. Ici, les partisans dâune Ă©conomie de marchĂ© ultra-libĂ©rale se sont disputĂ©s avec les reprĂ©sentants des organisations de santĂ©. Les observateurs*trices ont failli tomber de leur chaise Ă certains moments du dĂ©bat: lorsque le prĂ©sident du conseil d'administration d'une d'assurance maladie se prononce contre la protection de la santĂ© des jeunes, on ne sait plus trĂšs bien quelle casquette porte le parlementaire.
Traduction: Julia Jeanloz et Elodie Mueller